L’opposant chiite saoudien Ali al-Nimr relâché de prison

OLJ / Par Noura DOUKHI, le 29 octobre 2021

L’opposant chiite saoudien Ali al-Nimr relâché de prison

Ali al-Nimr, jeune opposant saoudien libéré de prison mercredi 27 octobre après plus de 9 ans de détention, posant pour une photo dans un lieu inconnu. Photo Reprieve.org/AFP

Vêtu d’une abaya blanche et sourire aux lèvres, Ali al-Nimr s’empresse d’enlacer sa mère, qui ne peut retenir ses cris de joie. La scène, capturée en vidéo et partagée sur les réseaux sociaux, leur semblait inespérée. « Y a-t-il des mots qui peuvent décrire l’ardeur du cœur d’une mère qui a revu son fils après une si longue lutte?

Y a-t-il des expressions qui peuvent décrire la joie de l’œil d’une mère regardant son enfant après la dureté de l’emprisonnement ? », a tweeté mercredi soir Nusra al-Ahmed en dévoilant les images des retrouvailles avec son fils, relâché après plus de neuf ans passés dans les geôles saoudiennes.

Accusé d’avoir participé à des manifestations contre le gouvernement à Qatif, dans l’est de l’Arabie saoudite – où vit la minorité chiite du royaume – Ali al-Nimr était alors âgé de 17 ans lorsqu’il a été arrêté en février 2012. Matées sans scrupule par le régime saoudien, ces protestations avaient été organisées dans le sillage des soulèvements du printemps arabe à partir de 2011. La famille du jeune homme avait toutefois allégué à l’époque que la véritable raison de l’arrestation et de la condamnation de Ali al-Nimr était ses liens de parenté avec le cheikh chiite et opposant au gouvernement saoudien, Nimr Bakir al-Nimr, qui n’était autre que son oncle. En ligne de mire de Riyad, l’influent religieux et activiste connu pour ses prêches enflammés contre la dynastie des Saoud avait été arrêté cinq mois plus tard. Condamné à mort en 2014 pour « activités antigouvernementales », son exécution le 2 janvier 2016 avait provoqué un tollé en Iran, où les représentations consulaires saoudiennes avaient été saccagées et menant à la rupture des relations diplomatiques entre les deux puissances régionales.

Discours de « réforme »

Condamné à mort lui aussi en 2014 aux côtés de deux autres Saoudiens chiites arrêtés alors qu’ils étaient mineurs, Ali al-Nimr a vu sa peine commuée en février dernier à 10 ans de prison, suite à la décision prise par Riyad en avril 2020 selon laquelle la peine capitale ne s’appliquerait plus aux condamnés mineurs au moment des faits. « Compte tenu de l’indignation suscitée par l’exécution du célèbre religieux Nimr al-Nimr en 2016, je pense que l’exécution d’un mineur dont l’affaire est surveillée dans le monde entier et de la même famille aurait été un désastre politique pour le gouvernement saoudien, observe Bethany Alhaidari, responsable du département portant sur l’Arabie saoudite de l’organisation des droits de l’homme The Freedom Initiative. La libération de Ali al-Nimr est sans doute liée à la pression internationale, et en particulier au désir de l’Arabie saoudite d’être considérée à l’échelle internationale comme faisant des pas vers le discours de “réforme” qu’elle propage. » Si l’annonce visait à faire taire les critiques internationales concernant le bilan de l’Arabie saoudite en matière des droits de l’homme et à continuer à attirer des investissements internationaux, elle n’a pas été respectée. En juin dernier, Mustafa al-Darwish, un jeune homme de confession chiite qui avait été arrêté en 2015 pour sa participation présumée à des manifestations dans l’est du royaume entre 2011 et 2012, a ainsi été exécuté alors même qu’il était âgé de 17 ou 18 ans au moment des faits.

Toujours en probation

Depuis l’arrivée en janvier de Joe Biden à la Maison-Blanche, Riyad est pourtant soucieux de redorer son image alors que l’administration démocrate avait indiqué son intention de « recalibrer » ses relations avec l’Arabie saoudite au regard des violations des droits humains, marquant ainsi une rupture avec le blanc-seing accordé aux autocrates du Golfe par Donald Trump. Le geste du royaume à l’égard de Ali al-Nimr intervient en outre dans un contexte d’apaisement entre l’Arabie saoudite et l’Iran, alors que cinq rencontres auraient eu lieu entre des responsables iraniens et saoudiens depuis avril dernier. Cité par le Financial Times, un officiel saoudien a même déclaré il y a une dizaine de jours que le royaume envisageait la réouverture du consulat iranien à Djeddah.Mais si le prince héritier saoudien se serait servi du cas symbolique de Ali al-Nimr pour véhiculer l’idée selon laquelle sa politique à l’égard des minorités religieuses aurait changé, la réalité est tout autre. « Les chiites d’Arabie saoudite en particulier ont une longue histoire de soulèvements bien organisés dans le royaume. Ils sont très instruits et beaucoup comprennent leur statut de citoyens de seconde zone dans le pays », explique Bethany Alhaidari. La communauté chiite, minoritaire en Arabie, est régulièrement persécutée par les autorités. En 2016, 47 personnes, dont au moins 3 mineurs, avaient été condamnées à mort, accusées d’avoir commis des infractions liées au terrorisme. « Il ne faut pas oublier que de nombreux détenus politiques sont toujours emprisonnés, torturés, condamnés à mort et maltraités dans le royaume », rappelle également Abdullah Alaoudh, directeur du département Golfe auprès de l’organisation à but non lucratif Democracy for the Arab World Now (DAWN). « Une fois libérés, les prisonniers ne peuvent pas parler aux médias ni utiliser les réseaux sociaux pour communiquer ou défendre une quelconque idée. Ils sont de plus toujours en probation et sous une interdiction de voyager », insiste-t-il.

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