La coalition anti-Houthis a annoncé, ce lundi 17 janvier au soir, des frappes aériennes à Sanaa, la capitale yéménite contrôlée par les rebelles, après une attaque meurtrière à Abou Dhabi revendiquée par les Houthis, la première sur le sol des Émirats arabes unis. Publicité
La coalition qui combat les rebelles au Yémen a annoncé lundi soir des raids sur Sanaa, la capitale contrôlée par les Houthis, après une attaque meurtrière aux Émirats arabes unis, membre de cette alliance militaire. « En réponse à la menace et une nécessité militaire, des frappes aériennes commencent à Sanaa », a-t-elle annoncé dans un tweet de SPA, l’agence de presse officielle de l’Arabie saoudite, qui dirige cette coalition. « Un avion d’attaque F-15 a d‘ailleurs détruit deux lanceurs de missiles balistiques qui ont été utilisés lundi » a déclaré le porte-parole de la coalition, le général saoudien Turki Al-Maliki. Les frappes cibleraient aussi plusieurs dirigeants houthis dans le nord de la capitale du Yémen. Plusieurs morts auraient été rapportés selon Al Masirah TV, une chaine affiliée aux Houthis, écrit notre correspondant aux Émirats arabes unis, Nicolas Keraudren.
Ces frappes aériennes font suite à l’explosion de trois camions-citernes dans la zone industrielle d‘Abou Dhabi près des installations de stockage de la société pétrolière nationale ADNOC. Elles ont entraîné la mort d’un Pakistanais et de deux Indiens, a indiqué l’agence officielle émirienne WAM, qui a également fait état de « six blessés ». Un « incendie mineur » a aussi été rapporté sur un chantier de construction de l’aéroport international de la ville.
Condamnations
Ces explosions, d’abord qualifiées par les autorités émiriennes d’« accident » provoqué par « de petits objets volants, possiblement des drones », ont été revendiquées par les rebelles yéménites. « Les forces armées (des Houthis) ont mené une opération militaire qualitative et réussie dans le cadre d’une opération baptisée Ouragan du Yémen », a assuré leur porte-parole, Yahya Saree, dans un communiqué diffusé sur la chaîne Al-Massira. « Nombre de sites et installations émiraties importantes et sensibles » ont été ciblés à l’aide de missiles balistiques et de drones, a-t-il encore affirmé.
Le ministère émirien des Affaires étrangères a condamné cette attaque contre des « installations civiles sur le territoire émirien » et averti qu’elle « ne restera pas impunie ». « Les Émirats se réservent le droit de riposter à ces attaques terroristes et à cette sinistre escalade criminelle », a-t-il dit. « Cette étourderie et absurdité irresponsable sont vouées à l’anéantissement », a prévenu sur Twitter Anwar Gargash, conseiller diplomatique du président des Émirats.
Alliés des Émirats, l’Arabie saoudite et Bahreïn avaient déjà pointé du doigt les rebelles yéménites en dénonçant un acte « terroriste ». L’Irak a aussi condamné l’attaque, de même que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Les Etats-Unis, grands alliés des Émiratis, ont promis de « faire rendre des comptes » aux Houthis. La France a estimé que l’attaque était une menace à la sécurité des Émirats et à la stabilité de la région. L’Union européenne, la Grande-Bretagne, l’Arabie saoudite, Bahreïn, l’Irak et la Jordanie ont également dénoncé l’attaque. Israël a appelé à empêcher l’Iran et ses alliés de « saper la sécurité régionale ».
« Ces attaques menacent la sécurité du territoire des Émirats arabes unis et la stabilité de la région. La France exprime son soutien aux Émirats arabes unis face à ces attaques », a déclaré le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian dans un communiqué. Un peu plus tard, le président Emmanuel Macron a condamné « fermement les attaques dont a été victime Abou Dhabi aujourd’hui, et apporte son soutien aux Émirats arabes unis », indique la présidence française, en précisant que la France restait « mobilisée en faveur d’une solution politique durable au Yémen ».
Une première
C’est en tout cas la première fois que les Houthis parviennent à toucher le territoire des Émirats arabes unis malgré différentes tentatives toujours réfutées par les autorités émiriennes. Ces derniers mois, les rebelles yéménites ont lancé à de nombreuses reprises des attaques de missiles et de drones contre l’Arabie saoudite et avaient aussi par le passé menacé d’attaquer les Émirats arabes unis. La monarchie du Golfe a été un acteur-clé de la coalition arabe dans la guerre au Yémen qui dure depuis sept ans pour soutenir les forces gouvernementales contre les Houthis, des insurgés soutenus par l’Iran.
► À lire aussi : L’Arabie saoudite accuse l’Iran et le Hezbollah d’aider les rebelles au Yémen
Après avoir pris leurs distances, ils sont récemment revenus sur le terrain au Yémen en appuyant notamment la brigade des « Géants » qui a « libéré » des territoires pris par les rebelles. Le conflit au Yémen s’est intensifié ces dernières semaines avec une augmentation des raids de la coalition et des offensives au sol des forces qu’elle soutient.
Se présentant comme un havre de paix dans la région troublée du Moyen-Orient, les Émirats n’avaient jamais été victimes d’une attaque connue des Houthis. La coalition a indiqué lundi avoir relevé une recrudescence de « drones piégés lancés par les Houthis depuis l’aéroport international de Sanaa », au Yémen, selon l’agence de presse officielle saoudienne.
Depuis qu’ils ont pris la capitale Sanaa en 2014, les rebelles ont réussi à s’emparer de vastes pans du territoire yéménite, en particulier dans le Nord. L’intervention des Émirats s’était jusqu’à récemment concentrée dans le sud du Yémen.
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Pourquoi les Houthis s’en prennent-ils aujourd’hui à Abou Dhabi ?
Peut-être que les Houthis ont compris que viser l’Arabie saoudite n’était plus suffisant. Ils le font assez régulièrement sans que cela n’ait de réelle conséquence sur les opérations militaires saoudiennes menées au Yémen […] On peut également penser que les Houthis ont conduit cette attaque avec une autorisation de l’Iran qui souhaite toujours déstabiliser ses adversaires du Golfe
Héloïse Fayet, chercheuse à l’Ifri
Un navire émirien aux mains des Houthis
L’attaque de ce lundi à Abou Dhabi intervient dans un contexte tendu après la saisie par les Houthis début janvier d’un navire battant pavillon émirien au large de Hodeïda au Yémen, assurant qu’il transportait du matériel militaire. Abou Dhabi, qui assure que le bateau transportait du matériel pour un hôpital yéménite, a dénoncé une « dangereuse escalade » en mer Rouge.
Cet acte de piraterie, selon la coalition, s’est produit au moment où la brigade des « Géants » affrontait les rebelles dans la région de Chabwa. La semaine dernière, ces forces loyalistes avaient permis au gouvernement de reprendre cette province pétrolifère après d’âpres combats contre les Houthis.
L’Iran, qui entretient des relations difficiles avec les Émirats, est le seul pays à soutenir ouvertement les rebelles tout en niant leur fournir des armes, ce dont l’accusent l’Arabie saoudite et les États-Unis.
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